LA question qui te mets mal à l'aise

#17 - "Ça ressemble à quoi ta musique ?"

“Écoutes et tu verras bien”

C’est la non-réponse que font TOUS les artistes à “parle-moi de ta musique”.

Je te comprends et… tu as raison !

Je te propose de faire un petit pas de côté pour accueillir la citation de mon peintre préféré :

Parler de peinture n'est pas seulement difficile, c'est peut-être aussi inutile. On ne peut exprimer avec des mots que ce que les mots sont capables d'exprimer, ce que le langage peut communiquer. La peinture n'a rien à voir avec cela. La peinture est une autre forme de pensée.

Gerhard Richter

26,4 millions d’€, il faut que je vende un sacré paquet d’heures pour me l’offrir 😆 

Ça fait aussi écho à un de mes derniers articles sur les rapports entre la musique et le language : “[la musique] peut faire ce que le langage ne peut pas : exprimer des émotions nuancées”. (plusieurs morceaux et des explications si tu cliques sur le lien vers l’article 😉 )

Le malaise

Mais la raison principale pour laquelle tu ne réponds pas à cette question, c’est parce qu’elle te met mal à l’aise.

Elle te fait même un peu peur. Ça se serre au fond de ta gorge.

Comme quand tu avais douze ans et que le prof t’appelait au tableau pour faire cet exercice que tout le monde savait qu’il allait tomber. Celui sur lequel on t’a mis en garde, mais que tu n’as pas travaillé, car quelque chose te chiffonne avec cet exercice :

Il n’a pas de sens pour toi.

Tu ne comprends pas pourquoi il y en a besoin.

La bonne nouvelle, c’est que la réponse à l’exercice est plutôt simple.

Il faut faire preuve d’un peu d’empathie.

Terme à la mode mais rarement mis en pratique.

Le problème, c’est que tu essaies de partir de là où tu es, alors qu’il faut partir de là où est l’autre !

Pour toi, trouver l’autre, c’est facile. Il ou elle est juste en face de toi. Donc tu ne comprends pas en quoi c’est difficile pour elle ou lui !!! 😤

Inconsciemment tu t’identifies tellement avec ta musique que tu penses que c’est facile de comprendre directement ta musique à partir de toi (tu te dis aussi que ne pas comprendre ta musique, c’est ne pas te comprendre).

Mais pour que la rencontre puisse se faire, il faut donner des indications pour guider l’autre jusqu’à ta musique.

Attention, j’ai dit que c’était simple (l’inverse complexe) mais ça reste difficile.

La nuance

Comme dis plus haut, tu as 100% raison dans le fait que les mots ne peuvent pas décrire ta musique (je ne dis pas ça pour te faire plaisir).

Et c’est 100% vrai que ce sera impossible pour l’autre de comprendre ta musique avec tes mots. Pour ça, il faut qu’il écoute.

C’est aussi 100% vrai que le temps est la chose la plus rare sur terre, et que d’autres artistes vont faire l’effort d’utiliser les mots pour attirer l’autre vers leur musique. Lui faire penser qu’il gagne du temps.

Tu as sûrement vu la nuance ! Mais l’as-tu saisie ?

Plutôt que de décrire leur musique avec des mots (chose impossible), beaucoup d’artistes à succès utilisent les mots pour attirer vers leur musique.

Pour appâter leurs auditeurs.

Choix et conséquences

La 2e bonne nouvelle de cette newsletter, c’est que tu as le choix de ne pas faire ça si ça te dérange pour une quelconque raison.

C’est possible, car on écoute en majorité des morceaux qu’on n’a pas choisis.

Que ce soit sur la radio, une playliste, une compilation ou autre, on est exposé à des morceaux et des artistes que l’on ne connaît pas, mais qui nous sont recommandé parce qu’on suit tel autre artiste similaire, tel label ou que l’on écoute une radio avec telle couleur artistique.

La question devient alors “Comment être sur ces plateformes de diffusion ? Comment faire pour qu’on me rende visible ?”.

Réponse en quelques mots : la plupart de ces plateformes mettent en avant ce qui marche déjà (les chiffres), ce qui est dans leur réseau (la reco d’un contact) et sont en derniers recours influencés par…

Les mots.

C’est pour ça que savoir utiliser les mots pour intéresser les gens à sa musique est un outil puissant et incontournable pour le musicien indépendant.

Enfin, incontournable…

Ce n’est pas logiquement impossible d’arriver à percer sans chiffres, sans réseau, sans savoir parler de ses morceaux. Juste par leur qualité.

Mais c’est statistiquement extrêmement improbable.

Un potentiel énorme


Il y a énormément de puissance à A) créer des attentes et B) donner envie à cet auditeur potentiel d’écouter ta musique.

A) Le texte que l’on lit (ou que l’on nous dit) influence notre perception

L’exemple qui me vient en tête a récemment fait irruption sur mon feed instagram :

B) Le point que je trouve le plus intéressant et lequel je vais consacrer un peu plus d’écriture :

Donner envie d’écouter ta musique

Beaucoup d’artistes n'arrivent pas à définir leur musique. Ils se disent qu’on leur demande de faire comme le vendeur à la Fnac, et ils empilent 2-3 styles les uns sur les autres.

Ça donne des : pop-world, néo-métal francophone, funk-expérimental,…

Ça aide d’avoir réfléchi à ça pour mettre sa musique quelque part (quels tags j’utilise sur bancamp, quel style pour mon pitch à Spotify ,..?). C’est utile !

Avant de savoir si ta musique va plaire on demande de la ranger dans une catégorie, un style. Cela crée des attentes et le contexte de l’écoute.

Ça aide aussi le vendeur de la Fnac à mieux cataloguer ton CD.

C’est cool.

Sauf que…

Personne ne va plus à la Fnac, donc est-ce la seule chose à faire ?

Avant, beaucoup moins de musique était accessible. Attirer l’attention du public demandait moins d’effort que maintenant, mais la catégorisation bien plus.

Il fallait surtout être dans “la bonne catégorie”. Ce qui n’était pas facile, pendant des décennies où, seule ta couleur de peau déterminait si tu faisais de la Pop ou de la Soul/R’N’B.

L’exemple de Boys II Men est assez parlant : Avec plus de 11 semaines dans les charts, ils furent les premiers à dépasser Elvis, mais les média les ont complètement ignorés. Car Boys II men étaient maintenus dans la catégorie R’N’B qui leur collait mal. Cf ce chouette Docu Netflix.

Un combat de société qui a marqué l’industrie musicale et les artistes. Mais…

Changement de challenge

Le curiosité individuelle plutôt que les catégories

L’offre de musique a aujourd’hui explosée, il y a des centaines d’heures de nouveaux morceaux de chaque genre chaque jour !

Les catégories ne font plus gagner de temps.

Le racisme est toujours présent mais moins visible. L’industrie musicale l’a rendu moins explicite.

Les catégories ne sont plus un combat qui fait vibrer.

Le plus gros challenge d'un artiste, aujou’dhui, n'est plus de savoir dans quelle case ranger sa musique ! Mais, de donner envie aux gens de l'écouter.

Les gens accordent cinq secondes à découvrir un nouvel artiste (oui oui, à l’ère de Tik-Tok, je suis pessimiste sur nos niveau d'attention).

Pourquoi utiliser ces 5 secondes pour donner une description lambda ?

Pourquoi ne pas utiliser un truc beaucoup plus paradoxal qui va titiller la curiosité de certaines personnes et leur donner envie d'écouter ?

Pour te donner un exemple, voici ma suggestions pour deux artistes croisés cette semaine :

“Si l’océan jouait du piano”

“Le son de la simplicité”

Es-tu plus curieux·se de leur musique que si je dis “pop francophone” ?

L’objection classique

L’objection que l’on me sort souvent se résume par : “Ma musique ne se limite pas à une formule choc “

Ce qui est vrai, mais cette formule ne sers pas à définir ta musique.

Tu n’es pas en train d'écrire ta page Wikipedia.

Tu cherches juste à intéresser quelqu'un. À le sortir de sa monotonie quotidienne.

Probablement par l’intermédiaire d’internet, des réseaux sociaux, d’une formule sur un blog…

C’est un bout de texte qui se changera très rapidemment avec l’évolution de ta musique, et même des groupes mythiques ont des “phrases types” pour les décrire qui sont loin de coller avec tous leurs morceaux.

Par exemples The Rollng Stones, présenté comme de la “rébellion en boîte”. Une description qui ne colle pas à plusieurs de leurs morceaux !

Je comprends ton objection, mais tu te trompes de combat, il ne faut pas chercher des mots qui définissent toute ta musique. Juste trouver les quelques mots qui donneront envie à certains lecteurs de tout écouter !

Qui t'oblige à donner une réponse qui colle avec tous tes morceaux passés et à venir ?

Seulement toi.

Est-ce que ça te sers de te limiter comme ça ?

Pourquoi continuer ?

Conclusion

Plutôt que de te donner un/des outils spécifiques j’ai voulu parler en profondeur des motivations derrière le fait d’écrire autour de ta musique.

Te rappeler le pourquoi.

L’idée est d’alimenter ta flamme avec du carburant durable.

Si tu écris ta bio, quelques lignes sur un site, que tu pitch ta musique ,… c’est très important que tu sois conscient de la raison pour laquelle tu fais quelque chose. De tes motivations.

Si tu écris sur ta musique juste “parce qu’il faut le faire, mais j’ai horreur de ça” alors il te faudra de toute façon écrire sur ta musique et tu auras moins de joie dans ta vie. Ce sera désagréable pour toi et ceux qui liront.

Si tu écris sur ta musique parce que “comme les mots ne peuvent pas définir ma musique, mais qu’on arrête pas de m’en demander, autant utiliser ce potentiel énorme pour faire acte d’empathie, jouer avec les attentes du public, stimuler sa curiosité,…” alors tu écriras quelque chose qui aidera beaucoup plus le lecteur, servira beaucoup plus au développement de ta carrière musicale et impactera beaucoup plus positivement ton humeur.

Envie de parler de ça ? De détailler ta présentation ? Des objections ? Des questions ?

Tu veux lire des détails sur “Comment attirer les gens vers ma musique avec des mots ?”

Des réponses dans un prochain mail 😉 

En attendant,

Prends bien soin de toi,

Ludo

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