Moodboards et pouvoir des limites

#24 - ta conscience créative

Cet article va te montrer en détail comment te servir des moodboards et autres contraintes.

Ça te sera utile car en les maîtrisant tu pourra maximiser ta créativité. (La qualité ET la quantité ! 😉)

La plupart des musicien·nes échouent car ils ne savent pas vraiment faire un moodboard, se fixent des contraintes trop floues ou trop strictes.

Dans 10 min ce sera de l’histoire ancienne !

Le sercret des moodboards pour les musicien·nes

  • Métaphore fluviale

  • Idées reçues les plus courantes

  • Ton moodboard en 3 étapes

  • Mise en application

  • Quelques mots de conclusion

Métaphore fluviale…

Les métaphores ont vite l’air cul cul quand on n’explique pas pourquoi on les utilisent. Celle-ci ne fait pas exception : ça commence fort avec “les nuages de ton inspiration”. Alors pourquoi je vais l’utiliser quand même ?

Parce qu’une métaphore, aide à mieux comprendre les relations qui existent entre des concept d’une certaine dimension (qu’on cherche à maîtriser), en transposant les relations d’une autre dimension (qui nous est plus évidente).

Et, bien qu’un peu cul cul, cette métaphore fait le taff ! Très bien même ^^

Je t’invite à imaginer chaque note de musique, chaque idée, comme une goutte -tombée des nuages de ton inspiration- qui cherche à rejoindre l'océan.

Tu peux voir les contraintes comme les bords d’une rivière. elles canalisent et guident ces gouttes. Les réunissent pour donner naissance à ta musique.

Elles ne restreignent pas ton inspiration. Elles donnent une forme et une direction à ce que ton inspiration a crée .

Les rivières guident la goutte jusqu’à l’océan.

De la même manière, les contraintes guident les fruits de ton inspiration.

Qu’elles soient conscientes ou non, les contraintes sont essentielles à la réussite de ton travail. En t’entourant d'obstacles, tu peux renforcer ton expression artistique, à condition que ces obstacles soient bien plaçés !

C’est en prenant conscience des contraintes qui guident ta créativité que tu pourra arranger les obstacles de manière à créer l’océan de ton choix (plutôt que de déverser tes bonnes idées dans la mer du mainstream).

Et au fur et à mesure de tes expérimentations, tu développe ta conscience créative. Tu prends conscience de ce qui stimule ou inhibe ta créativité.

Dans cet article on va surtout se pencher sur une forme de contrainte :

Le Moodboard

Idées reçues les plus courantes

Beaucou de préjugés circulent sur les moodboard où l’utilité des contraintes dans la création. Qu’ils circulent entre membres d’un groupe, entre tes neurones ou sur les réseaux sociaux.

“Pfff… Fuck les contraintes”

Certains artistes pensent que la liberté totale est essentielle pour la créativité et qu'utiliser des moodboards ou des contraintes peut limiter leur expression artistique. Ils confondent confort et expression artistique.

Iels peuvent être réticents car cela nécessite de sortir de leur zone de confort et d'explorer de nouvelles idées, ce qui peut être intimidant ou inconfortable. Ce qui bloque le plus -qu’on se l’avoue ou non- c’est souvent un manque de savoir et/ou de savoir-faire pour changer la façon dont à toujours fait. Ce n’est pas qu’une question de courage ou de manque d’audace.

En réalité, les contraintes bien choisies peuvent stimuler la créativité en encourageant les musiciens à explorer de nouvelles voies et à repousser les limites. Les contraintes peuvent également aider à éviter la routine et la procrastination en fournissant des directives et des objectifs.

Souvent les musicien·nes avec ce préjugé ne se rendent pas compte des limites qu’iels s’imposent déjà (parce qu’elles leurs semblent évidentes). Ex : je ne fais que des morceaux dans ce style, avec ces instruments,…

À la racine de préjugé il y a souvent eu une mauvaise expérience avec des contraintes (que ce soit dans le cadre de la musique ou autre). En effet, choisir des contraintes trop strictes peut entraver la créativité en limitant les possibilités d'exploration, tandis que des contraintes trop vagues peuvent ne pas fournir assez de direction, laissant les artistes se sentir perdus ou dépassés. Difficile de trouver le juste milieu adapté sans passer du temps à mieux connaître le groupe ou l‘artiste.

“Les moodboard c’est seulement pour les designers, graphistes,…”

D’autres artistes (ou les mêmes), pensent que les moodboards sont uniquement utiles pour les activité visuelles. Iels peuvent penser que les moodboards ne sont utiles que pour les artistes visuels, comme les designers de mode, les graphistes ou les réalisateurs de films.

Cependant, les moodboards peuvent également être utilisés dans la musique pour aider à visualiser des concepts sonores, des atmosphères et des émotions, en utilisant des images, des mots et des couleurs pour stimuler l'imagination.

La clé ici, c’est de s’en tenir à la traduction littérale de moodboard. Cf la suite.

“Pourquoi pas, mais je ne sais pas comment faire un moodboard…”

Certains artistes peuvent choisir des images ou des références qui ne sont pas en harmonie avec leur vision artistique, ce qui peut conduire à une confusion ou à une incohérence dans leur processus créatif.

C’est la meilleur excuse pour ne pas utiliser de moodboard. Un moodboard mal fait va t’embrouiller et te freiner. Voire carrément te bloquer. Dans ce cas là, il vaut mieux ne pas en utiliser.

Si tu veux garder cette excuse et si tu ne veux pas apprendre à faire un bon moodboard, ne lis surtout pas la suite de cet article !!!!

“J’ai peur de perdre en spontanéité et authenticité”

Certain·e·s peuvent craindre que l'utilisation de moodboards et de contraintes entraîne une approche trop méthodique et mécanique de la création musicale, au détriment de la spontanéité et de l'authenticité.

Sauf qu’ici le responsable n’est pas l’outil (le moodboard) mais la façon dont on l’utilise. C’est utile d’en faire un compagnon flexible, afin de pouvoir les utiliser de manière organique et intuitive tout en renforçant ton propre style.

“Je n’ai pas idée de ce que je veux dire, je fais du son et c’est tout !”

Sans une vision claire de l'ambiance, de l'esthétique ou de l'émotion à exprimer, les artistes peuvent avoir du mal à créer un moodboard pertinent ou à choisir des contraintes adaptées.

Je ne sais pas si tu as remarqué, mais chacun de ces préjugés augmente en difficulté alors qu’on va vers des choses de plus en plus fondamentales. J’ai beaucoup eu ce problème, mais c’est vrai ce qu’on dit : c’est capital d’avoir des bases solides que ce soit pour construire un bâtiment où un projet musical.

Ici la question centrale c’est celle de la conscience. De prendre conscience de ce que tu as déjà dit, de ce qui te plaît, ce qui plaît à ton publique, ce que tu veux dire,…

En guise de transition, un artiste avec qui j’échange souvent sur Threads :

“Yo les artistes musiciens et directeurs artistiques, petite question à propos des moodboard

On est daccord que c'est une planche qui regroupe nos inspiration avev une note d'intention ?

Lorsque vous bossez sur un nouveau projet, à quel moment préparez vous le moodboard du projet ? Au tout début, avant la recherche d'idée ? Que mettez vous en avant dedans ?”

Ton moodboard en 3 étapes

Plus haut j’attirais ton attention sur la traduction littérale de “moodboard”. C’est littéralement un “tableau d’humeur” ou "tableau d'ambiance". Souvent notre relation aux mots est inductive : on part de ce qu’on observe (l’utilisation des moodboard dans la mode, le graphisme,…) pour donner du concret aux mots.

Pour éviter de tomber dans le préjugé “c’est pour les visuels…” je te propose d’adopter plutôt une approche déductive avec ce mot. Ça permettra de se recentrer sur ce qu’est l’essence d’un moodboard et son utilité pour toi.

Un moodboard est donc littéralement un “tableau d’humeur” : une compilation d'éléments inspirants et significatifs qui servent de guide créatif.

Voici la réponse que j’ai faite sur Threads :

C'est important de choisir des images qui suscitent l'émotion que tu vise à créer, et pas des images qui la représentent.

Si c'est la tristesse, il faut des images qui provoquent la tristesse, pas de quelqu'un en train de pleurer par exemple.

Avant/après ? Gardes en tête que le moodboard est un aide à la création. Un espèce de tuteur (en jardinage) qui t'aide à pousser dans la direction choisie. C'est bien d'avoir déjà quelques idées avant de le faire. Il rendra la suite cohérente

Pour les plus curieux·se, cette insistance sur utiliser le moodboard pour faire ressentir une émoton plutôt que de la montrer vient d’une masterclass de Jeffrey Perlman (CMO de Zumba) sur le branding. La masterclass était payante mais voici une très bonne conférence gratuite qu’il a faite.

Le rôle d’un bon moodboard est de t’inspirer et de t’aider à maintenir la cohérence dans une composition.

Voici les étapes, que j’ai organisées par importance hiérarcchique plutôt que chronologique. C’est à dire que l’étape 1 est la plus importante, celle par laquelle je t’invite à commencer, mais je te conseille de ne pas rester bloqué dessus plus de quelques heures.

Autorise-toi plutôt à parfois faire des retours en arrière. Des ajustements.

  1. Défini le concept et l'objectif

Avant de commencer, il est crucial de clarifier le concept ou l'ambiance que tu souhaite transmettre à travers ta composition musicale. Identifie les émotions, les atmosphères ou les thèmes que tu veux faire ressentir.

C’est souvent une étape qui est zappée pour passer directement à la suite : ce qui va est montré dans un reportage sur les moodboard par exemple.

Pourtant cette étape essentielle : tu y construis les fondations.

Et en général, la raison pour laquelle on zappe cette première étape, c’est parce que l’on rend les choses trop compliquées.

On intellectualise. Alors que c’est ce qu’il faut éviter à tout prix.

Ce qui doit te guider doit être quelque chose de simple, émotionnel, instinctuel, animal. La solution ?

Ce n’est pas forcément en disant la première chose qui te traverse l’esprit : la vitesse à laquelle tu trouvera le concept/ambiance qui va te guider n’est pas un bon indicateur. Mais un excellent indicateur est la simplicité.

La simplicité peut arriver vite, mais elle peut aussi mettre du temps, c’est pour ça que je dis que la vitesse n’est pas un bon indicateur. Par contre si tu te dis “c’est trop simple/bateau/évident” tu es probablement sur la bonne piste.

  1. Collecte les éléments 

Alors oui. Typiquement on va te dire qu’ici il faut juste mettre des visuels à ce stade. Je ne suis pas d’accord.

J’ai déjà dit qu’il y a un lien plus étroit entre la musique et les émotions qu’entre le language et les émotions, et j’irais encore plus loin en disant qu’il y’a un lien encore plus direct entre ce qu’on entend et nos émotions et ce qu’on voit et nos émotions. Pourquoi ?

Quand tu en es au stade embryonnaire, encore dans le ventre de ta mère, il n’y a rien de très intéressant qui se passe niveau visuel (le rose est parfois un peu plus pâle, et parfois il fait noir) par contre tu entends beaucoup plus distinctement ce qui se passe, la musique qu’écoute ta maman,…

C’est en tout cas une réflexion que j’avais partagé avec l’équipe de Brandy Sound quand je travaillais là-bas et qui leur avait beaucoup plus.

Bref, fin de la parenthèse. Tu peux collecter des éléments qui déclenche une réaction émotionelle sous toutes les formes que tu souhaite.

Sois créatif ! Si tu veux transmettre l’idée que ta musique doit être rugueuse comme du granit, pourquoi ne pas incorporer du granit à ton moodboard ?

Tu peux y ajouter aussi une citation, la scène d’un film, le passage d’une pièce de théâtre,… ce n’est parce que la vision du moodboard qu’ont certain·es est très limitée que ça doit aussi être le cas pour toi. Tant que tu es en train de créer un “tableau d’humeur”, tu es en train de créer un moodboard !

Pour des conseils un peu plus génériques (mais pertinents) que tu pourrais trouver sur Google, chat GPT à fait du bon taff (et je suis feignant, pourquoi reformuler quand je peux faire un copier-coller ?) :

Rassemblez une variété d'images, de photos, d'illustrations, de textures et de couleurs qui correspondent au concept que vous avez défini. Vous pouvez puiser dans des sources diverses telles que des magazines, des sites web, des photographies personnelles, des œuvres d'art, etc.

Chat GPT
  1. (Dés)Organise les éléments

Dispose les images sur ton tableau d'une manière qui évoque l'ambiance et l'esthétique que tu vises. Créé des juxtapositions intéressantes, joues avec les contrastes et les similitudes pour renforcer le message.

À ce stade, tu as déjà réfléchi à la direction émotionelle que tu voulais donner à ton moodboard. Tu as déjà sélectionné les éléments qui crée chez toi cette émotion. Ceux qui titillent la même fréquence émotionelle.

Le maître-mot c’est maintenant la flexibilité.

Adapte le moodboard à votre processus créatif. Personnalise-le en fonction de ton style de travail et de tes préférences. Certains préfèrent organiser leur moodboard de façon plutôt hiérarchique (un concept principal et des sous-concepts), d’autres non…

Certains préfèrent des moodboards physiques sur des panneaux en liège, d'autres optent pour des versions numériques sur des plateformes en ligne ou des logiciels de design. Certains font coexister plusieurs moodboard.

Mon conseil, qui résonne avec l’idée de flexibilité et une manière de justifier le bazar organisé de mes idées créatives, c’est de choisir un support flexible qu’il soit physique ou digital.

De cette manière, tu peux changer l’emplacement de tes idées entre plusieurs morceaux, et ainsi faire germer de nouvelles idées qui viennent des nouvelles interactions et proximités que tu viens de créer.

De cette manière il pourra te servir de guide créatif sans jamais te lasser. Rend la chose ludique ! Tant que tu entretiendra avec lui cette relation basée autour du jeu et de la curiosité, tu auras plaisir à le garder à portée de vue pendant que tu travaille (ce qui garantira la cohérence de ta création) sans pour autant toujours faire la même chose (et te lasser, toi et ton auditeur).

Mise en application

Mon moodboard ? À moi ? Pour le FAWM ?

C’est compliqué ^^ Pour m’expliquer, j’aimerais commencer par le dicton “les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés”. Donc bon… ok ?

Ensuite, j’ai pensé au sujet plusieurs fois au cours du mois de Janvier et comme je le disais un peu plus haut, mon moodboard est essentiellement audio et est très dispersé.

Il consiste en une playliste spotify et une courte playlist Youtube (les morceaux de Techno qui m’inspirent ne sont pas sur Spotify, ou pas les bons mix). À ça tu peux ajouter une dizaine de post-it, un google doc dans lequel il y’a des notes diverses et variées, et en terme visuel, un mix de Svoboda, Richter et Kelly.

Bref… un sacré bazar qui gagnerait à être plus organisé, plus unifié, plus explicite et qui ne réponds pas très bien à l’étape 1 de la liste que j’ai donné plus haut (Si j’ai dit que beaucoup d’artistes avaient tendance à zapper cette étape, c’est parce que j’en sais quelque chose ^^).

J’apprécie la flexibilité que ça me donne mais j’ai la certitude que mon travail artistique gagnerait en qualité si je pouvais arranger tout ça de manière à ce que ce soit unit par un concept/émotion explicite.

Mais bon, c’est bien mieux que ce que j’ai fait avant, plus défini, j’ai aussi mis en place des contraintes formelles donc je suis très content (très peu de MIDI et de son crées numériquement) donc je suis relativement fier de moi.


Je t’encourage àfaire ton propre moodboard pour ton prochain projet musical et à faire preuve de bienveillance à ton égard. Le perfectionnisme est un jugement négatif et toxique quand il ne débouche pas sur de l’action.

Au-delà du moodboard, choisir des contraintes va t’aider à canaliser ta créativité. Je sais que la contrainte temporelle marche très bien pour moi (parce que ça me fait marrer tout simplement !) parce que j’ai expérimenté avec d’autres contraintes.

Et il n’y a aucune raison pour que ce soit la même contrainte qui marche chez toi. Il faut que tu expérimente. Peut-être qu’il faut te limiter à une palette d’instruments, à un accordage, à des règles harmoniques, à composer seulement quand tu jeûne, en essyant d’imaginer la suite d’un de tes morceaux préférés,… En vérité il y a des milliers de contraintes imaginables.

Quelques mots de conclusion

Première remarque, j’aurais du faire un article uniquement sur les moodboard et un uniquement sur les contraintes, mais je n’ai pas le temps de faire machine arrière. J’espère que la lecture sera claire malgré tout car ce sont deux sujets trés proches.

Pour aller un peu plus loin sur la question de développer la qualité de ton art, développer les contraintes tout en préservant ton bien-être j’ai deux choses à dire :

  • Il faut trouver ton juste milieu entre Stravinsky (plus de contraintes = plus de force) et Csikszentmihalyi (concept de Flow : être sur la ligne de crête, ne pas basculer dans l’ennui ni dans l’anxiété).

    J’ai choisi ces deux personnages que j’aime beaucoup car ils sont complémentaires : l’un est un compositeur talentueux, l’autre un chercheur en psychologie. L’un une figure majeure du XXe siècle, l’autre du XXIe siècle, la priorité de l’un était la créativité musicale, pour l’autre c’est la poursuite du bonheur par l’immersion dans une activité épanouissante. Les deux étaient des avant-gardistes.

  • La chose d’une importance capitale - dont j’ai fait preuve vers la fin de l’article - c’est d’avoir de la bienveillance envers soi-même. Garder en tête que tu expérimente des choses. Placer ça sous le signe du jeu (oui, mon prénom explique probablement mon attirance pour le jeu)

Pfff… J’avais pour projet d’écrir un article assez court, moins de 1’500 mots pour avoir plus de temps pour réussir le challenge, mais j’ai déjà fini 4-5 morceaux (attention, ce sont juste des esquisses, des études qui naviguent entre électro et hip-hop avec une pincée de Dub).

Donc je me suis dis zut, il ya de plus en plus de monde qui lit mes articles alors autant produire un contenu de qualité !

Donc cet article en fait presque 3’000 !

Sur ce, si tu veux jeter une oreille (indulgente) sur les morceaux que j’ai fait en une dizaine d’heures c’est par là.

Lequel des morceaux résonnes le plus avec toi ?

La semaine dernière 65 musicien·nes on vu comment réconsillier quantité et qualité

  • La vraie créativité est dialectique

  • Orgueil et préjugés

  • “Tout ce qui diminue la contrainte, diminue la force” (Stravinsky)

  • OK, mais comment bien faire de la quantité ?

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