L'équation reine pour trouver plus de dates

#15 - Et mieux contacter tous les pros

J’ai hésité à me lancer dans un mail ultra-long, mais je sors d’un COVID un peu coriace donc on va y aller mollo ! (bon, +2’250 mots quand même ^^)

Dans ce mail, je vais appliquer l’équation à la recherche de dates, mais ça peut également te servir pour contacter tout un tas d’autres partenaires (labels, tourneur, éditeur,…).

J’écrirais d’autres mails sur :

  • prendre soin de sa santé mentale pendant ces moments

  • chacun des 5 facteurs pour les détailler à fond

  • les petites astuces (objet, adresse,…)

Le mail d’aujourd’hui qui donne une vue d’ensemble sur la théorie de la prospection appliquée aux musiques actuelles sera déjà un beau morceau !

La théorie ça peut vite être un peu rasoir donc j’ai fait de mon mieux pour rendre ça sympa. Ce sera plus facile d’intégrer la suite quand tu auras vu la théorie et l’ensemble du système.

Une équation pour les gouverner tous

(“et dans les ténèbres les lier”, j’espère que tu auras la ref’ 💍 !)

Cette fameuse équation :

Dates obtenues = nb de demandes x %age de “oui”

Il y a un lien plus bas pour contacter plusieurs milliers de lieux qui programment, mais tu vaux mieux que juste vouloir partager à plus de monde un message qui ne débouche sur aucune programmations. Non ? 😉 

Je vais donc commencer par le pourcentage de transformation. Où il y a beaucoup plus de choses à dire. %age de transformation veut simplement dire ici : est-ce que ce mail/série d’échanges va te permettre d’obtenir une date !

Il y a cinq facteurs qui sont responsables de ton pourcentage :

message x ciblage x contexte x communication x timing = %age

1. le message

La tentation quand tu veux contacter tout le monde, c’est de faire une présentation grand public de ta musique pour ne déplaire à personne.

Le problème avec cette stratégie, c’est que la musique joue un rôle social énorme. Les gens s’y rattachent souvent avec fierté pour en faire une partie de leur identité. Ils créent des communautés autour de leurs artistes favoris.

Si toi-même, tu ne revendiques pas fièrement ce qui te rend différent, pourquoi tes fans le ferait ? Pourquoi est-ce qu’un pro se rangerait de ton côté ? Pourquoi est-ce qu’un lieu te programmerait ?

En plus, le destinataire de ton message ne saura pas vraiment à quoi ressemble ta musique à partir de la description sans parti pris et sans saveurs que tu as écris, et il devras forcément écouter pour décider que ça ne corresponds pas à la programmation de son lieu.

Tu peux te dire que c’est leur boulot, qu’ils l’ont bien cherché,…la réalité c’est que les prog* reçoivent parfois plus d’une centaine de demandes de programmation par semaine, qu’ils ont -hélas- d’autres choses à faire que d’écouter de la musique (se battre pour garder les subventions qui leur permettent de payer les artistes émergents qu’ils programment un cachet correct, par exemple) et que ce sont tout simplement des êtres humains qui apprécient être traités correctement.

Autant être clair et éviter de frustrer le destinataire. Se servir des mots pour donner envie aux gens d’écouter ta musique est une compétence utile.

2. le ciblage

Quand on pense que la seule chose qui compte, c’est le nombre de personnes que l’on contacte on peut être tenté de :

1) Envoyer notre message, qui ne concerne qu’un petit nombre de salles, à tout plein d’endroits

C’est risquer un problème de délivrabilité (au bout d’un moment, quand ton mail est envoyé à trop d’adresses qui ne l’ouvrent pas, il est automatiquement rangé dans l’onglet “spam” de la boîte mail du destinataire).

Beaucoup de lieux programment plusieurs styles, mais pas tous. Ceux qui marchent avec des fonds privés ou les lieux alternatifs (intramuros, les caf-conc’, les squats,…) n’ont pas l’ouverture culturelle ou des financeurs qui les incitent à programmer dans plein de styles différents. Parfois aussi parce qu’il n’y a simplement pas de public pour ce style à cet endroit.

Toutes les jauges ne seront pas non plus adaptées à ton projet.

2) Mélanger tous les styles pour pouvoir envoyer des mails à tout le monde

À manier avec précaution, car -surtout de nos jours- les découvertes musicales intéressantes ont tendance à hybrider plusieurs styles, mais il y a souvent une couleur qui domine.

Prenons le cas de l’artiste Igorrr que j’adorrr.

Bien que sa musique contienne du chant lyrique, il est principalement mélangé à du métal et n’aurait probablement pas eu beaucoup de retours positifs en démarchant l’opéra Garnier.

Le risque, c’est d’avoir la main trop lourde sur tous les ingrédients musicaux à la fois, de manquer de goût artistique et de finalement produire l’équivalent musical de la photo suivante : bien que chaque ingrédient pris individuellement soit appétissant, personne n’est intéressé par cette pizza.

À l’inverse, plus ton ciblage sera spécifique plus le lieu se sentira concerné par ton message et sera conscient que tu t’es intéressé à eux (et donc sera tenté de faire pareil avec toi : de s’intéresser à ce que tu fais).

Le couple “cible/message” est indissociable :

le mauvais message ne marchera pas avec la bonne cible et le bon message ne marchera pas avec la mauvaise cible.

La suite est intéressante, mais pour avoir vu passer des dizaines de mails de démarchage avec de artistes en RDV, ce sont les deux points à travailler en urgence.

Beaucoup d’artistes ne sont pas bons pour intéresser les gens à leur musique avec des mots. Le message n’est pas captivant.

Ils peuvent parler de leur musique pendant des heures et enfiler les formules toutes faites que l’on trouve dans les critiques, mais pas obtenir un “uh ! c’est intéressant ce que tu dis, je suis curieux. Tu me fais écouter ?” en 20 secondes.

Et pour avoir échangé avec une petite dizaine de progs, les mêmes artistes sont souvent à la ramasse en ce qui concerne le ciblage.

3. le contexte

Ce facteur à moins d’impact que de travailler son ciblage et son message, mais va jouer un rôle important (et est plus sous ton contrôle que tu le penses).

Ce que j’entends par contexte, c’est la proximité entre toi et ta cible.

Êtes-vous dans le même département ?

Est-ce que vous vous êtes déjà rencontré ?

As-tu vu un concert marquant dans sa salle ?

Avez-vous participé au même événement ?

Est-ce qu’un groupe avec qui tu as joué a été programmé là-bas ?

Est-ce que tu as déjà fait un tremplin qui avait lieu là-bas il y a X années ?

Le contexte, c’est l’élément de personnalisation que tu peux ajouter à ton message qui va faire ressortir ta proximité avec ton destinataire.

Les médias surjouent dessus, mais c’est vrai que l’on a tendance à plus se préoccuper des choses géographiquement proches de nous. 

Participer à des salons, à des speed-meetings, aller visiter leur salle,… sont autant de choses qui permettent de gagner des points.

4. le canal de communication

C’est difficile de faire des généralités sur le canal de communication le plus efficace dans tous les cas (les relances, quand tu connais un peu le/la prog).

Mais pour un premier message de présentation de ton projet, je recommande d’envoyer un email.

Ce n’est pas pratique de suivre la conversation par l’intermédiaire des réseaux sociaux, c’est souvent limité en termes des pièces jointes que tu peux envoyer et voir que le message a été “lu” mais qu’il n’a pas reçu de réponse n’est pas super pour le moral.

Le téléphone n’est pas idéal non plus pour un premier contact, car tu ne laisses pas au destinataire la possibilité d’accéder à l’info quand il décide de consacrer son temps à ça. Quand son cerveau est ouvert à la découverte.

Le top du top, c’est si tu rencontres la personne en live quelques jours avant ou après l’envoi de ton mail et que tu lui en parles. Mais c’est vraiment la cerise sur le gâteau et pas évident à mettre en place !

5. le timing

Le meilleur timing est celui où la personne en face à un besoin, mais peu d’offres satisfaisantes.

Le moment où le besoin est là est hors de ton contrôle, mais tu peux créer le bon timing avec la répétition.

Il faut garder en tête que ce n’est pas parce qu’un.e prog ne te réponds pas que ça veut dire que tu l’agaces. Ces personnes ont très conscience d’avoir en face des êtres humains qui font (parfois) de leur mieux.

Si de ton côté, tu as bien fait les choses, que tu t’es renseigné sur le lieu, que tu as ciblé, que tu as un message clair, que tu as personnalisé ton message,… la raison la plus probable pour l’absence de réponse c’est qu’il n’y a pas de besoin pour le moment. Il ne peut pas répondre à ta demande.

Ce que je te conseille de faire, c’est de lui renvoyer un message (idéalement en y ajoutant un peu d’humour et d’humanité) quelques semaines plus tard. Et continuer à partager tes actus. Quand le besoin sera là, tu remontera dans sa mémoire comme étant une personne sympa et qui peut répondre à son besoin.

Mail personnalisés > envois massif et impersonnel

Pourquoi ?

Parce que si tu fais un envoi massif, tu as plus de chances de mal faire le couple ciblage/message et le contexte.

Te faire rater le ciblage, car tu y passeras moins de temps. Te faire rater le message car tous tes destinataires liront les mêmes mots (cf. un de mes mail sur la musique et le langage). Il n’est pas question de te faire changer ta musique, mais musique et langage sont des choses si différentes que plusieurs mots ou expressions peuvent servir à décrire des choses musicalement proches, mais tel mot résonnera plus aux oreilles de tel pro.

Concernant le contexte :

Tu peux te dire que tu t’occuperas de rappeler au pro que tu l’as déjà rencontré dans un deuxième mail que tu lui enverras plus tard pour gagner du temps.

Je te conseille plutôt de lui envoyer un mail personnalisé et de copier-coller ce que tu voulais mettre dans ton envoi massif. Selon ce que tu utilises ça peut au mieux te prendre moins de temps, ou au pire te faire perdre une mise en page.

Si tu préfère envoyer deux mails différents, ça montre que tu n’as ni le temps ni l’énergie mentale pour accorder quelques secondes de plus pour envoyer un message personnalisé.

Ce ne sera pas quelque chose de conscient pour beaucoup de destinataires, mais l’inconscient à une place dans les décisions de programmation.

Et si on y réfléchit, est-ce que ça rassure sur l’état de l’artiste ? Sur l’importance qu’il accorde à être programmé dans ce lieu ?

Alors, oui, ça te fera gagner du temps, ça te permet de contacter plus de monde, mais jetons à nouveau un coup d’œil à notre formule de départ :

Dates obtenues = nb de personnes contactées x %age de transformation

Si tu contactes deux fois plus de personnes mais que chaque mail est deux fois moins efficace, tu n’y gagnes absolument rien !

C’est sur le %age de transformation que tu progresseras le plus !

Quand j’étais chargé d’accompagnement, je donnais souvent des dizaines d’adresses email de programmateurs chaque semaine. Tout artiste ou groupe qui a un peu de bouteille à une liste d’envoi longue comme le bras

Ce n’est donc pas sur le nombre de personnes contactées que se fera la différence, mais bien sur le pourcentage de transformation. Sur le ciblage, le message, le contexte, le canal de communication et le timing !

En plus, le travail que tu feras pour trouver les mots qui donnent envie aux gens d’écouter ta musique te sera très utile pour plein d’autres choses : ta bio, ton site, ton merch’,…

“Oui mais ce sera différent parce que quand je serais grand j’aurais un tourneur moi…”

Mets-toi dans la peau d’un tourneur qui doit choisir entre deux groupes :

Groupe A : 200 lieux contactés, 3 programmations = 1,5% de succès

Groupe B : 10 lieux contactés, 2 programmations = 20% de succès

Le tourneur se rémunère typiquement sur les dates qu’il trouve. Par rapport au temps et à la réputation qu’il investit, il sait qu’il va gagner beaucoup plus d’argent avec le groupe B.

Ou il passera énormément de temps à faire tout ce que tu as laissé de côté (ciblage, message, contexte,…) pour augmenter ton %age de transformation. Ce qui lui coûtera pas mal d’argent.

Avec qui est-ce qu’il préférera travailler ?

En intro tu avais promis plein de contacts !!! 😁 

Pour le nombre de contact, c’est facile !

Sur la plateforme dBtribe tu peux trouver plus de 6000 lieux.

Principalement en France (surtout en IDF) mais aussi en Angleterre, en Belgique, en Suisse et même une poignée en Italie.

Pour contacter un bon nombre de médias et de labels tu pux passer par une plate-forme (payante 😰 ) comme Groover (FR) ou SubmitHub (USA).

Bref, la différence ne se joue pas au niveau du nombre de contacts. Tout le monde y a accès ! Mais ça ne fait pas de mal d’en avoir et c’est important d’avoir accès aux mêmes outils que les autres.

Fais-toi plaisir !

Si tu as trouvé cet email intéressant et que tu penses que la suite plaira à d’autres artistes, partages la newsletter avec eux (ils te remercieront 😉 )

Et en attendant le prochain envoi,


Prends soin de toi,



Ludo


* progs : pragrammateurs.trices. J’essaie d’utiliser des formulations épicènes et abbréviations plutôt que trop de points médians -qui peuvent rendre la lecture laborieuse. Et j’évite de de faire comme si il n’y avait pas de programmatrices.

Je suis bien conscient de ne pas faire un sans-faute en termes d’écriture inclusive, mais je m’autorise à faire (seulement) de mon mieux sans que le perfectionnisme paralyse mon ac

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