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Qualité vs.Quantité [FAWM edition]
#23 - la fausse guéguerre
À la fin de ce mail, tu verras que la qualité et la quantité sont de très bons amis.
C'est important, car tu justifies le faible nombre de morceaux que tu écrit/compose/produit… par l'attention que tu portes à leur qualité.
La plupart des gens adoptent cet argument binaire, car ils ne savent pas comment bien faire de la quantité, donc on va discuter de ça aussi !
La qualité vient de la quantité
La vraie créativité est dialectique
Orgueil et préjugés
“Tout ce qui diminue la contrainte, diminue la force” (Stravinsky)
“OK, mais comment bien faire de la quantité ?”
La vraie créativité est dialectique
Jack white est un musicien accompli. Qui produit des morceaux de qualité. Par contre, sans regarder sur le net, est-ce que tu serais capable de citer seulement 10% des morceaux de sa discographie ?
Non, il produit d’ailleurs tellement de morceaux grâce à ses compétences phénoménales que c'était obligé que dans le lot il y ait un Seven Nation Army.
De son côté (de l’autre côté ?), Leonard Cohen a mis plusieurs années pour écrire Hallelujah. Il a écrit une centaine de couplets pour ne garder que les meilleurs. Avec une stratégie comme ça, est-ce que c'est étonnant que ce morceau soit d’une telle qualité qu'il finisse dans un Disney ?
Je pourrais continuer la liste avec quantité de musiciens talentueux dont la plupart des gens ne retiennent qu’une poignée de titres et/ou qui ont des tas de démos qui dorment dans un ordi. Orelsan, Björk, Prince, Kate Bush,….
Probabment que tu connais un·e artiste comme ça dans ton entourage.

Les ingénieurs de Prince estiment qu'il y a plus de 1 200 chansons inédites dans “le coffre-fort”, soit un album de 12 chansons par an pendant 100 ans.
Au-delà du besoin de gagner ta vie avec ta musique ; ta quête, ta mission, ton envie profonde, c'est que ta musique soit reconnue pour sa qualité.
Plutôt que de voir la quantité comme ton adversaire dans cette quête, mon objectif avec cet article est que tu en fasse ton alliée.
Dans le cadre de mon coaching, parfois je me régale à utiliser un petit trick philosophique : la dialectique hégelienne. Le but de la dialectique hégelienne c’est de créer des synthèses. Sortir des impasses, des oppositons stériles.
Comme l’opposition stérile Quantité VS Qualité.
Une bonne synthèse n’est pas l’eau tiède qu’on obtient en mélangeant l’eau chaude (proposition A) avec de l’eau froide (propositon B). La dialectique est un processus hautement créatif. On sélectionne ce qu’il y’a de mieux dans la propotiion A et on trouve un moyen de le faire coïncider avec ce qu’il y a de mieux dans la proposition B. L’objectif n’est pas trouver un compromis.
À travers cet article et ceux qui vont suivre, on va voir comment la quantité aboutit à plus de qualité.
(Pas comment faire plein de morceaux pas terribles, il y’a l’IA pour ça…)
Orgueil et préjugés
Que tu l’ai entendu dans les couloir d’un studio de répète où dans la bouche de ton ami·e, tu connais le préjugé : “il faut choisir entre qualité et quantité”.
Une bonne question à se poser c’est : combien de musicien·nes qui produisent beaucoup de morceaux t’ont déjà fait cette remarque ?
Est-ce que l’idée “il faut choisir entre qualité et quantité” est surtout défendue par ceux qui produisent peu de morceaux ?
Est-ce que c’est une formule utile qui permet de camoufler une difficulté à créer ? De maquiller un défaut pour en faire une qualité ?
De faire comme si ils ou elles choissisaient de créer moins ?
Peut-être que ton expérience est différente de celle que j’ai vécue (que ce soit auprès des producteur avec qui j’ai jammé ou auprès des centaines de musiciens que j’ai accompagné au Combo 95 et en tant que coach).
C’est pour ça que j’accorde plus d’importance à mes questions qu’à mon expérience.
(Et attention ! Je ne pense pas pour autant qu’il faille tout sortir super rapidemment, c’est normal de passer du temps pour développer certaines créations. Pour trouver et travailler son style.
Il y’a surtout une grande différence entre “finir” et “sortir” une oeuvre.
Mais je referme cette parenthèse de quelques lignes.)
Une explication de la popularité de ce préjugé c’est qu’il y’a une part d’incertitude et de vulnérabilité que l’on a honte de montrer. Alors on met notre orgeuil en avant : “Non non, c’est pas que j’ai du mal à créer vite à cause de mes doutes, c’est juste que je préfère produire peu pour produire bien !”
Et ce n’est pas une remarque adressée seulement aux autres ! J’ai aussi ma part de fragilité et d’incertitude que je cache derrière de l’orgeuil. Moi aussi j’ai un chef d’oeuvre (🤣) qui traîne sur mon disque dur depuis 5 ans, sur lequel je continue de travailler et que je ne sortirais probablement jamais ! Et surtout je suis persuadé que j’ai participé à répandre ce préjugé quand j’ai écrit mes premiers morceaux.
Une autre explication très probable c’est que c’est l’absence de contraintes qui nous attire vers la pratique de musique.
Qu’il s’agisse de contraintes matérielle, esthétique, temporelle,… On a tendance à moins les percevoir quand on est absorbé dans une activité.
Par exemple on entend bien dans une de mes tentatives avec le challenge du FAWM (dont je vais te reparler 😉 ) que j’ai voulu parcourir plein de styles différents : folk, house, synth-pop, jazz-dub,… parce que je ne m’étais pas fixé de contrainte de style, donc naturellement je vais dans tous les sens.
Tout le monde à des contraintes desquelles il·elle essaient de se débarasser.
Pourtant…
“Tout ce qui diminue la contrainte, diminue la force”
J’aime beaucoup cette citation de Stravinsky dont voici la version longue qui mériterait d’être affichée dans tous le studios :
"Je n'ai que faire d'une liberté théorique. J'ai besoin de quelque chose de fini, de défini, d'une matière qui ne peut se prêter à mes opérations que dans la mesure où elle est proportionnelle à mes possibilités. Et cette matière se présente à moi avec des limites. Je dois à mon tour lui imposer les miennes. Nous voici donc, que nous le voulions ou non, dans le domaine de la nécessité.
Et pourtant, qui d'entre nous a déjà entendu parler de l'art comme d'un domaine autre que celui de la liberté ? Cette sorte d'hérésie est uniformément répandue parce qu'on imagine que l'art est en dehors des limites de l'activité ordinaire. Or, en art comme en toute chose, on ne peut construire que sur un socle qui résiste : ce qui cède sans cesse à la pression, rend sans cesse le mouvement impossible.
Ma liberté consiste donc à me déplacer dans le cadre étroit que je me suis fixé pour chacune de mes entreprises.
J'irai même plus loin : ma liberté sera d'autant plus grande et significative que je limiterai étroitement mon champ d'action et que je m'entourerai d'obstacles. Tout ce qui diminue la contrainte, diminue la force. Plus on s'impose de contraintes, plus on se libère des chaînes qui entravent l'esprit".
J’ai l’impresson que cette citation dit tout qui a besoin d’être dit, mais je vais partager quelques exemples, détails et anecdotes pratiques car je crois que c’est possible de la rendre un peu plus famillière. Moins académique.
Sur le plan des contraintes matérielles, on peut parler de Elephant des White Stripes, La Haine de Kassowitz, Le Fil de Camille,…
Sur le plan des contraintes artistiques, on retrouve à nouveau Le Fil de Camille avec son bourdon en Si tout au long de l’album ; ou encore La Disparition de Perec, un roman de pus de 400 pages écrit sans utiliser la lettre “e”,…
Mais ce qui m’intéresse le plus de creuser c’est la contrainte temporelle.
Je suis tombé sur la citation précédente dans le cadre de mes recherches sur l’application du Flow, concept de Csikszentmihalyi, à la production musicale.

Selon ce chercheur en psychologie la durée que l’on fixe pour accomplir un objectif est un facteur important et directement sous notre contrôle pour influencer la difficulté d’une tâche.
C’est extrêmement important de bien choisir le niveau de difficulté : trop dur et on est freiné par l’angoisse, trop facile et on est freiné par l’ennui !
Et… mon expérience avec ce challenge à tendance à lui donner raison : en trouvant les bonnes contraintes, on arrive à se situer sur la ligne de crête entre l’angoisse et l’ennui. Totalement absorbé par l’instant présent, par l’action.
Flâner serait fatal car c’est une tâche qu’on ne maîtrise pas assez bien, mais on la maîtrise quand même suffisament pour ne pas être bloqué par l’angoisse.
C’est ça qu’on appelle le Flow.
Jouer avec la contrainte temporelle est la façon plus simple et la plus directement sous notre contrôle pour profiter du boost de productivité créative - et de bonheur - caractéristiques de l’état de Flow.
“OK, je suis d’accord avec toi sur le principe Ludo mais comment bien faire de la quantité ?”
Je vais te répondre par un proverbe frustrant de simplicité : “C'est en forgeant qu'on devient forgeron”.
Le challenge idéal pour commencer à forger dans la joie et la bonne humeur est -selon moi -le FAWM : le February Album Writing Month.
L’idée est de composer/écrire/produire 14 morceaux/riffs/OST… originaux durant les 28 Jours du mois de Février (enfin 29 cette année !)
C’est un challenge aux contours volontairement flous et avec une communauté internationale assez géniale, un espace sur le site où publier ses morceaux, un forum, des mini-challenges, des hastags qui ont du sens pour une fois,…

Chacun partage ces créations, chacun fait des choses très différentes, chacun s’écoute et se fait des retours très utiles ! Je vois ça comme un réseau social éphémère réservé aux musiciens. Parfois on tombe sur des pépites, des diamants dans la poussière qui n’ont pas encore été dégrossi. Un vrai kiff !

La première fois que j’ai essayé de relever ce challenge, j’ai échoué au bout de 8 morceaux, mais j’ai énormément appris !
Et même si je l’ai techniquement relevé le challenge lors de ma deuxième tentative, je trouve que c’est très fouillis. Aucune identité ne s’en dégage vraiment.
Pour réussir à bien faire de la quantité il faut abandonner le fantasme d’un bouton on/off. La progression est constante. On progresse quand on arrive pas à relever le challenge, on progresse quand on y arrive parce qu’on veut faire mieux,…
Le pljus difficile c’est de s’y mettre, mais une fois qu’on est parti on est sur la bonne voie ! Et on fait de vrais progrès rapides. Et comme on sait que ça ne vas pas durer, qu’il y’a une date de fin, on s’y met avec plus d’entrain.
Tout de suite j’en profite pour écrire ces articles pendant que je suis dans le jus. Le nez dans le guidon comme on dit. Certains lecteurs de cette newsletter s’y sont mis et sont déjà très bien partis ! D’autres peuvent s’y mettre maintenant (là fois où je l’ai réussi, j’ai commencé avec 5 jours de retard).
C’est très compliqué pour moi de relever ce challenge cet année. Les priorités pour moi sont le développement de mes services de coaching, l’écriture de cette newsletter, la création d’un centre de formation…
Au delà des harmonies sympa, je dois surtout composer avec des contraintes de temps et économiques,… Hier j’ai passé la journée à Voisins-le-bretonneux pour une “journée de musiciens”. 4h de transport aller-retour pour donner une conférence sur le burnout des musicien·nes. Avant-hier un assez long RDV avec le Combo 95, la veille 2h dans un service pour le maintient du RSA,….
Bref, je ne suis pas confiant sur ma capacité à réussir ce challenge, mais je suis très conscient de mon envie d’essayer. Surtout pour deux raisons :
Ça me manque ! J’ai des émotions que j’ai envie d’exprimer, des trucs à tester, de nouveaux joujous à enregistrer,… #viedartiste
Je bosse à 100% avec des musicien·nes. Relever ce challenge alors qu’il y’a plein d’autres choses dont je dois m’occuper est la meilleure manière de me mettre sur la même longueur d’ondes que toi.
Donc le permier conseil pour réussir à bien faire de la quantité, c’est de s’y mettre ! De d’abord viser la quantité, et te faire confiance sur le fait que tu trouvera toi-même des réponses pour créer l’année suivante un environnement qui te permettera d’avoir un résultat d’une meilleure qualité.
L’année prochaine, je publierais des versions mises à jour de ces articles à partir du mois de Décembre, et je suis en train de réfléchir à un petit cadeau a faire gagner.
Si tu veux t’y mettre dès maintenant, déjà envoie moi un message 😉
Et au cours des prochains articles, je partagerais des choses que j’ai remarqué au cours de mes précédentes tentatives, ce que j’ai appris, ce qui pourrais te servir,…
Et le deuxième conseil, c’est de se simplifier la vie et de compter sur l’humanité des autres artistes.
Se libérer l'esprit et du temps pour relever le challenge.
C'est pour ça que je vais me contenter de partager mon expérience et quelques tips relatifs à ce challenge dans mes articles jusqu’à la fin du mois.
Je me facilite la tâche.
Et je vais aussi mettre moins de visuels parce que ça prend beaucoup de temps, et j’ai cruellement besoin de ce temps pour faire joujou avec mon nouveau synthé semi-modullaire 😆
Conclusion
La raison pour laquelle je fais tout un pataquès sur ce challenge du FAWM, c’est que les compétences développées lors de ce challenge sont hautement transférables et très utiles.
Les astuces que je vais partager dépassent le contexte du FAWM. Pas besoin d’y participer pour que mes prochains articles te soient utiles.
Avec cette newsletter, j’ai tendance à partager des choses qui permettent de gagner du temps sur les tâches périphériques à la création musicale : le marketing, la com’, le démarchage,…
Et des articles qui abordent plus le versant santé mentale.
Mais c’est important (au moins pour moi et peut-être pour toi aussi) de se rappeller la motivation centrale de cette newsletter : faciliter la pratique de la musique !
Est-ce que tu as un ami qui a besoin de lire cet article ?
La semaine dernière 61 musicien·nes ont appris à écrire une bonne bio :
Les 7 préjugés capitaux (sur la bio)
Les ingrédients essentiels
Pour aller plus loin
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