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Les bons artistes doivent disparaître
#13 et pas n'importe comment...
Lorsque tu commences à travailler, tout le monde est dans ton studio - le passé, tes amis, tes ennemis, le monde de l'art et, par-dessus tout, tes propres idées - tout le monde est là.
Mais au fur et à mesure que tu travailles, ils commencent à partir, l'un après l'autre, et tu te retrouves complètement seul.
Puis, si tu as de la chance :
Toi-même, tu finis par partir.
J’ai rencontré cette citation il y a 5-6 ans. C’est devenu une de mes citations préférées sur le processus créatif, la confiance dans mes capacités, en mon inconscient, le lâcher-prise, le bonheur,… mais ça a mis du temps !
C’est important de partager ça. À l’heure où les artistes sont assommés de conseils qui viennent de leurs amis, d’autres artistes, des tutos Youtube,…. Souvent des avis contrdictoires qui créent des doutes épuisants. 😩
Ça peut faire beaucoup de bien d’avoir cette réflexion en tête : la meilleure réponse à tes hésitations est artistique. Elle ne vient pas de toi, mais se trouve dans le moment présent. Dans ce que tu es en train de façonner. Dans l’action.

Je pose juste ça là. Si ça doit éclore, ça prendra le temps que ça prendra. Mais il faut rencontrer cette graine à un moment.
La bonne nouvelle, c’est que plein d’artistes talentueux sèment la même graine.
Paroles d’artistes
Ces moments magiques où l'artiste disparaît, devient juste un guide pour l'audience… Où la technique qu’iel a développé lui permet d’être le canal parfait entre l’inspiration et son audience.
Je lisais une réflexion similaire dans une newsletter que j’apprécie :
Je ne créais pas le spectacle, je facilitais son arrivée. En toute sécurité.
Je pourrais citer plusieurs autres réflexions assez identiques. Mickaël Jackson disait par exemple de son côté : "Les artistes semblent se mettre en travers de la musique. Ne vous mettez pas en travers de la musique.... n'écrivez pas la musique, laissez-la s'écrire elle-même."
Ça peut avoir l’air un peu abstrait, spirituel et mystique comme réflexion, mais ça ne l’est pas.
Enfin… tout n’est pas à 100% limpide, mais beaucoup plus que tu en as probablement l’impression.
J’ai survolé le processus créatif dans un précédent mail. Je partagerai à nouveau l’état de la recherche sur la psychologie et la neurologie de la créativité bientôt. 🎨
Je veux d’abord partager une mise-en-garde.
“Pas de pensées”, un idéal ?
D’après le Dr. Michael Gervais (psychologue clinicien) il convient de distinguer trois états d’esprit :
les pensées négatives
les pensées positives
l’absence de pensées
On s’efforce au maximum de réduire les pensées négatives (blocages, croyances limitantes, auto-critique, entourage toxique,…) car on a conscience de l’effet nocif qu’elles ont sur notre interaction avec la vie, les autres et le réel.

Elles participent à générer une “mentalité figée” (Dr. Carol Dweck). Une vision selon laquelle des choses comme notre caractère, intelligence ou notre créativité ne peuvent pas se développer.
À l’inverse, les pensées positives produisent une “mentalité de croissance” dans laquelle les échecs ne sont pas vu comme des preuves d’un manque d’intelligence, mais comme le chemin nécessaire au développement.
La positivité toxique un peu naïve (“tu vas y arriver, tu es le/la meilleur.e”) force une réalité venue de nulle part. Tandis qu’un état d’esprit positif est l’espace qui est créé.
L’espace pour absorber et voir le versant positif de l’échec que l’on a rencontré. La positivté toxique ne crée pas d’espace.

L’état de Flow, un état très productif, est lui une “absence de pensée”. On est tellement absorbé par l’action qu’aucun jugement n’est émis. Peut-être des constats (“ça marche / ça ne marche pas”) mais au-delà de tout jugement.
C’est de cette “disparition” dont parle l’objet du mail.
C’est d’elle dont parle John Cage.
Faire un pas de côté, et laisser les compétences que l’on a développé faire le boulot.
Savoir disparaître.
Seulement… il y a une absence de pensée dont il faut se méfier :
Attention à la dissociation !
Une dissociation passagère est tout à fait ok. Tu en as déjà fait l’expérience en faisant un trajet habituel en voiture ou en faisant la queue au supermarché.
Pour nous épargner ces moments ennuyeux, notre cerveau nous permet de nous “évader” de l’instant : on se gare sur la place dont on a pris l’habitude, on arrive devant la caissière, et bing ! 😌
C’est comme si on émergeait. On n'a pas conscience d’avoir traversé ces moments automatiques durant lesquels on s’ennuie.
Là où ça se corse, c’est que - toujours pour notre bien - notre corps nous amène à dissocier lors d’un événement traumatique (accident de la route, viol,…).
Pour nous éviter une confrontation brutale avec une réalité trop violente (les détails sont alors stockés dans notre inconscient).

Ce qui va te permettre de distinguer s’il s’agit d’un état de Flow ou de Dissociation est la notion de plaisir. Le Flow s’applique aux activités “autotéliques” : le simple fait de faire ces activités procure du plaisir.
Du grec : ces activités sont leur propre (auto) but (telos).
La dissociation est un état différent. Une étude montre que les expériences de Flow à répétition sont corrélées avec plus de bien-être alors que c’est l’inverse pour les épisodes de dissociation.

Si on a des épisodes de dissociation à répétition pour une tâche il faut se pencher dessus : Est-il possible modifier cette tâche ? D’où, précisement, provient l’inconfort que notre cerveau nous permet d’échapper ? 🤔
La perception que tu auras d’une même tâche peut aussi évoluer dans le temps. Objectivement, ça restera la même chose, mais subjectivement, une certaine lassitude peut apparaître :
Conclusion
Je retourne à l’expérience partagée par Kimbra dans sa newsletter : elle devait jouer à l’opéra house de Sidney, mais n’en était pas réjouie. Le show était devenu mécanique : applaudissements, morceaux, applaudissements, etc.

Plutôt que de développer de l’amour, de l’attention, de la présence avec sa musique, elle devait maintenant se dissocier d’elle-même lors de ces performances. Elle se sentait comme un pantin chargé de satisfaire l’avidité du public pour du divertissement. 🤡
Elle a réussi à mettre fin à ce dissociations en repensant fondamentalement son show. Pas juste en changeant l’ordre de sa setlist, mais en revoyant vraiment la nature de l’expérience offerte au public, et de la relation nouée avec lui.
Même si elle ne parle pas de sa solution avec ces mots, c’est en agissant sur un facteur du flow que Kimbra a réussi à retransformer cette source d’expériences dissociatives -qu’était devenu le live- en source de flow.
C’est possible que tu vives maintenant une dissociation pour te “protéger” de ce qui t’envoyait avant dans un état de Flow. On creusera ça plus en détail dans un autre mail, mais c’est lié à la nature de l’état de Flow.
Travailler et échanger avec un psychologue peut t’aider à identifier l’origine de cette dissociation. Si tu ne l’a pas encore vu sur mon site, voici un doc gratuit avec quelques contacts et suggestions.
À la prochaine et avant tout,
Prends soin de toi 😉
Ludio
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